“ A la veille de la guerre civile espagnole, un groupe d’enfants
insensibles à la douleur est interné dans un hôpital au cœur des Pyrénées. De nos jours, David Martel, brillant neurochirurgien, doit retrouver ses
parents biologiques pour procéder à une greffe indispensable à sa survie.Dans cette quête vitale, il va ranimer les fantômes de son pays et se
confronter au funeste destin des enfants insensibles.”
Est-ce le fait d’ingurgiter et de ressortir à travers leurs œuvres, consciemment ou non, une partie de leur Histoire, qui rend les films de genre espagnol meilleurs que nos tentatives hexagonales ?
Est-ce le fait d’ingurgiter et de ressortir à travers leurs œuvres, consciemment ou non, une partie de leur Histoire, qui rend les films de genre espagnol meilleurs que nos tentatives hexagonales ?
J’ai en tout cas le sentiment que nos réalisateurs, dans ce style précis de
cinéma, s’appuient plus sur les révérences qu’ils font à leurs références, que
sur une véritable inspiration issue de leur patrimoine historique. Seul récemment Christophe Gans à ma connaissance, a su revenir sur une
période de l’histoire de France sous couvert néanmoins d’un enrobage plutôt
foutraque et pluri-référentielle, allant des arts
martiaux, aux jeux vidéo en passant par les hommages trop appuyés aux
réalisateurs qu’il chérie. Mais il est vrai qu'il avait les moyens de se faire plaisir. Notre cinéma de genre bien français, que je juge donc trop référentiel (à quelques rares exceptions
près et sur lesquelles je reviendrai ultérieurement), a cependant d’autres atouts qu’il faut
par contre aller chercher en fouillant un peu.
Le film de Juan Carlos Medina, amène ainsi logiquement à penser à Guillermo del Toro. Une partie de son contexte fait directement
référence à la guerre civile espagnole, tout comme l’avait fait del Toro pour Le Labyrinthe de Pan et l’Échine du Diable. Mais ce mexicain (oui,
del Toro est mexicain) a su s’appuyer sur ce pan de l'histoire espagnole pour en
tirer deux œuvres originales et bouleversantes. Et ici les fameuses
révérences/références, ne viennent pas polluer le récit au détriment de l'histoire et de l'Histoire.
Medina lui est espagnol, et même si une majeure partie de son apprentissage
s’est effectuée en nos contrées, et bien qu’Insensibles ait été en partie
produit par une société française (celle de François Cognard, un ancien de
Starfix tout comme Gans), il n’a pas oublié pour autant ses racines, les
histoires racontées par les anciens, ou plus directement les drames vécus par
ses proches. Il en a même fait de véritables atouts pour sa narration. Pas une simple toile de fond.
Le budget est de 4 millions d’euros. Autrement dit rien pour un
sujet abordant plusieurs personnages à différentes époques, rempli d’enfants et
d’effets spéciaux... Tourné avec une Arri Alexa dans un format scope 2.35 l’image est superbe,
la photo devant faire l’aller-retour entre une réalité éclairée sous un nouveau
jour, et un passé noyé sous les ténèbres. Sa réalisation est fluide, et réellement immersive (l'accident de voiture*, la cellule 17..) et alterne les plans amples aux mouvements ambitieux, avec des cadres ingénieusement construits et posés (Berkano).
Une vraie patte, pas une illustration, un vrai point de vue à chaque fois. Réfléchi.
Une vraie patte, pas une illustration, un vrai point de vue à chaque fois. Réfléchi.
Il en résulte une œuvre au concept vraiment original dont la réalisation fait preuve d’une grande maîtrise pour un premier film, ce qui n’est pas la moindre des choses. Dès l’ouverture, très violente, nous sommes convaincus que l’insensibilité à la douleur n’est pas un “pouvoir plutôt cool ». Et en cela nous sommes loin des canons actuels qui magnifient ces différences génétiques par le biais de jolis costumes, de scènes délirantes de gigantisme et de musiques tonitruantes. Non, ici nous restons littéralement confinés entre 4 murs avec une particularité physique qui va devenir une véritable malédiction pour tous ces enfants.
Et plus particulièrement pour l’un d’entre eux, qui va apprendre à
“utiliser” son pouvoir pour permettre aux Phalangistes de mieux servir leur
idéologie nauséabonde. A en perdre tout sentiment d’empathie. Toute humanité.
Bien que le récit implique des allers retours dans le temps, nous suivons
sans mal la quête de ce neurochirurgien pour retrouver ses racines afin de
rester en vie.
Une quête pourtant chargée, entre accident de voiture, cancer, suicides,
révélations, tortures, morts … Assez délicat à traiter sans sombrer dans l’extrême
pathos, mais ingénieusement abordés et agencés par le scénario et la mise en
scène.
Dans une interview, Medina se dit
s’être inspiré du film d’Elem Klimov, Va et Regarde connu chez nous sous le
titre Requiem pour un massacre. Un film extraordinaire où l’utilisation de la
steadycam est éblouissante. Un film d’une dureté incroyable sur les massacres
commis en Ukraine par les Einsatzgruppen de l’armée allemande, vu
par les yeux d’un adolescent.
J’avais vu ce film en VHS à l’époque dans une collection de chez “CHOC : la
vidéo sans limites ». Drôle de malaise au moment de sa location dans
l’espace vidéo-club de la droguerie de mon village. Une pépite dont j’avais
trouvé mention au cours de mes lectures du magazine Starfix.
Starfix, Gans,
Cognard, Medina, Klimov, Starfix... La boucle est bouclée.
* L’accident de voiture comme déclencheur, est d’ailleurs
très présent dans les films de genre : Insensibles donc, mais aussi Calme
Blanc, The Descent, A l’intérieur...
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