En 1985 nous décidons de réitérer l'expérience de La Malédiction de la Statuette en nous accordant un peu plus de moyens, et surtout un scénario plus
abouti. Grand fan d'effets spéciaux je propose l'idée d'un film de monstres dans l'espoir de nous
imposer au Festival du Film Super 8 organisé à l’époque par la revue Mad Movies.
Seul et unique festival de cet ordre il était à nos yeux une référence qui
chaque année nous amenait à remettre en question nos ambitions face aux talents
et à l'inventivité des participants. Un festival disparu depuis, pas uniquement
en raison de l'obsolescence du format, mais en partie tué par ceux-là même qui
lui permettait d’exister : les amateurs. Plus aucune salle digne de ce nom
n’acceptait de prendre le risque de les recevoir.
Les premières ébauches de scripts faisaient état de mutations génétiques,
de déformations diverses ou de tueurs immortels à la Jason. Rien que du gore et
très peu d'originalité. L’un des scénarios envisagé concernait même la
transformation de notre chat de l’époque en une bête surdimensionnée et avide
de chair humaine !!
Après nous être raisonnés, et en pensant au festival et son public
intraitable, nous sommes enfin parvenu à trouver un sujet sur lequel tout le
monde tomba d’accord : une invasion extraterrestre ! Nous étions tous très motivés par cette idée et
aboutîmes rapidement aux grandes lignes du scénario. Il en était d'une invasion
massive et de quelques défenseurs de l'humanité face à ces ennemis venus
d'ailleurs.
Un rien basique mais ambitieux.
Un rien basique mais ambitieux.
En raison de
nos moyens financiers il nous fallut cependant reconsidérer la multitude
d'envahisseurs prévue et optâmes plutôt pour l'arrivée d'une créature unique,
tête de pont de la future invasion : l’Éclaireur !
Restait à le concevoir et ce pour le moindre coût.
Restait à le concevoir et ce pour le moindre coût.
Il ne me suffisait pas de lire la rubrique du Ciné Fan dans Mad et de m’être procuré en import
chez Temps Futurs (ancien Albums rue Dante) GRANDE ILLUSION de Tom Savini, pour
aboutir à un résultat correct avec quelques litres de latex acheté chez Adam
Montparnasse et trois bouts de ficelle !
Tout
reposait sur la crédibilité de la créature et il nous fallut quelques semaines
avant d'aboutir à un résultat qui satisfasse tout le monde et surtout qui fût
de l'ordre du concrétisable. Celui-ci adopta donc une esthétique mélangeant E.T.
et un Gremlins, nanti d'une mâchoire de grand blanc. Je commençais dès lors
sa construction.
Lentement cependant car nous étions chacun en pleine scolarité et pour la
majorité d'entre nous, à l'internat. Le bac de français se profilait à
l'horizon et nos parents ne voyaient pas d'un très bon œil que nous consacrions
tout notre temps libre (et plus) à
ces enfantillages. Néanmoins c'est grâce à eux que nous avons obtenu l'autorisation du chef de gare
de notre cher village, pour tourner dans l'enceinte des locaux désaffectés de la sncf.
Pendant que je
m'attelais à l'élaboration du monstre, mon frère Marc dessinait les storyboards
des scènes clefs, c'est à dire toutes celles comportant des effets spéciaux ou
des cascades. Cascades que préparaient Stéphane Vail qui se consacrait également
aux effets pyrotechniques comme l'arrivée sur terre d'un météore et les coups de feu.
Parallèlement
chacun défini son approche de l'histoire en soumettant des idées de scènes, tout
en peaufinant son propre personnage : Stéphane retrouva son rôle de fort en gueule ;
Éric Basset celui du héros incompris de tous, mon frère comme à son habitude,
décida de mourir lors de la scène d'ouverture pour pouvoir ensuite se consacrer
à la caméra. Quant à moi, je jouais le rôle d'une victime potentielle, sans
pour autant être le salaud de service ce qui allait me changer de la dernière
fois.
Tout se
mettait donc en place, lentement mais sûrement.
Le tournage
débuta donc durant les vacances de février, bien avant l'achèvement du monstre.
Nous tournions alors dans l'ordre chronologique.
Première scène : la mort de Marc et la révélation aux yeux d’Éric que "quelque chose" était arrivé sur terre. Malheureusement le temps ne fût pas de notre côté et il nous fallut la retourner encore et encore afin de conserver une certaine continuité pour les scènes à venir. Les cartouches Super 8 s’enchainaient et s’épuisaient rapidement, tout comme nos maigres deniers.
Première scène : la mort de Marc et la révélation aux yeux d’Éric que "quelque chose" était arrivé sur terre. Malheureusement le temps ne fût pas de notre côté et il nous fallut la retourner encore et encore afin de conserver une certaine continuité pour les scènes à venir. Les cartouches Super 8 s’enchainaient et s’épuisaient rapidement, tout comme nos maigres deniers.
Finalement Marc mourut
de sa belle mort, déchiqueté sous un wagon par le monstre, que l’on
entr'aperçoit très furtivement par le biais de ma main maquillée en une patte
griffue à trois doigts. Faire durer le suspense, bonne raison pour ne pas le montrer dans son intégralité. Et il était loin d’être fini de toute façon.
Une autre
scène, de nuit cette fois, décrivait l'arrivée du monstre dans la grande
tradition des films des années 50 : un météore s'écrasant dans un champ.
L'élaboration de celui-ci fût des plus simplifiée : une simple balle de tennis
ouverte en deux et remplie de coton imbibé de white spirit. Un bâton muni d’un crochet
pour le projeter dans les airs et une petite coupe au montage pour ne garder
que la descente de la balle en feu. Et voilà un
météore que n'aurait pas renié Ed Wood !
D'autres
effets furent élaborés et testés, en vain malheureusement, la dure réalité
reprenant le pas sur nos loisirs : nous arrivions à la fin de l'année scolaire.
Je présumais non sans une certaine naïveté, que les grandes vacances allaient
nous permettre d'achever le tournage, mais ce fut loin d'être le cas. Par
nécessité chacun d'entre nous trouva un boulot (l'usine de pièces de rechange de Poclain pour la majorité)
et au fil des semaines, l'enthousiasme baissa. Il devint dès lors difficile
de partager notre temps entre nos obligations professionnelles et nos loisirs.
Rapidement une nouvelle année scolaire débuta et les enjeux cette fois furent
de taille.
Il n'existe
au final que deux scènes tournées et montées d'une durée approximative de 5
mn.
L'Éclaireur reste un excellent souvenir, avec un arrière-goût
d'insatisfaction néanmoins. Une fois encore le Festival du Film Super 8 se fît
sans nous.
Il me reste des photos, des croquis, des storyboards...
Le monstre resta dans un coin de mes différents bureaux, tout en se désagrégeant peu à peu au fil du temps, avant de finir à la poubelle...
Le monstre resta dans un coin de mes différents bureaux, tout en se désagrégeant peu à peu au fil du temps, avant de finir à la poubelle...
Il y a quelques années en tâtonnant avec Blender je m’étais amusé à essayer
de le reproduire. Mais sans y parvenir, par manque de maîtrise et de temps pour l'apprentissage de ce logiciel libre.
Mais l’idée
est restée, qui sait un jour ?....
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